Autrefois le rat de ville
Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent les deux amis!
Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’ortolans.
Le rat de ville et le rat des champs
Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin;
Mais quelqu’un troubla la fête
Pendant qu’ils étaient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit:
Le rat de ville détal;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire;
Rats en campagne aussitôt;
Et le citadin de dire:
” Achevons tout notre rôt.
– C’est assez, dit le rustique;
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de roi:
Mais rien ne vient m’interrompre;
Je mange tout à loisir.
Adieu donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre!
Jean de la Fontaine, Fables, Livre I, Fable IX.